Alimentation

Le chant du chocolat

Deux artistes québécoises du milieu de la musique, Catherine Durand et Misstress Barbara, viennent de succomber au chant du chocolat. Elles y voient une autre corde à leur arc, une autre manière d’exprimer leur créativité débordante.

Le chocolat chaud de Catherine Durand

« On se connaît ? », lance-t-on à l’énergique brunette qui nous sert un chocolat chaud. « C’est possible, répond-elle. Je suis auteure-compositrice-interprète. » Notre hôtesse au visage familier est nulle autre que Catherine Durand.

La scène se déroulait au Souk@SAT, l’automne dernier. La musicienne y lançait SÜK, la petite entreprise de chocolats chauds qu’elle mène désormais en parallèle de la chanson. Cette naissance inattendue arrivait à la suite des célébrations autour de ses 20 ans de carrière et de la sortie de l’album Vingt, où elle reprend 10 de ses airs préférés. Dans la foulée, elle donne un concert au Théâtre Petit Champlain, à Québec, le 23 mai, puis un autre à la Cinquième Salle de la Place des Arts, le 22 juin.

Il y a environ quatre ans, Catherine Durand a vécu une grande remise en question de sa carrière musicale. Quelle était sa place, dans un milieu où une foule de jeunes talents veulent eux-mêmes émerger ? Comment exister à l’ère de la suprématie des artistes de cote « A » dans les émissions culturelles télévisuelles ? Pourquoi ai-je moins d’abonnés Instagram qu’untel ou unetelle ?

Si l’auteure-compositrice-interprète-productrice n’a pas trouvé toutes les réponses, elle a à tout le moins augmenté sa capacité au lâcher-prise. Puis, elle a retrouvé le plaisir de faire de la musique sans quête de résultat : « Comme à l’époque où j’avais 17-18 ans et que j’écrivais des chansons sans du tout penser à un album », raconte l’artiste, attablée dans un café du Plateau Est, devant un chocolat chaud épicé.

SÜK lui a redonné un élan de créativité. « Ça a fait du bien de partir quelque chose un peu naïvement, sans trop penser à ce qui en sortirait ni à l’avenir du projet. Jusqu’à maintenant, la réponse a été incroyable. J’ai de plus en plus de points de vente. Mais si, un jour, ça ne marche plus, ça ne sera pas grave, tant que je ne perds pas trop d’argent ! Ce n’est pas comme la chanson, où on met ses tripes sur la table. Faire des sacs de chocolat chaud, c’est beaucoup moins personnel. J’ai du plaisir à le faire. C’est gratifiant. C’est concret. »

« Quand je vais à l’atelier pour produire, je sais que je vais ressortir de là avec 40, 60, 80 sacs, poursuit la musicienne. Quand je m’assois pour écrire une chanson, c’est une autre histoire. Il y a des fois où ça ne sort pas ! »

Les jolis sacs Sük se déclinent en cinq versions : classique noir, classique au lait, moka, chai et épicé. Ils contiennent tous une base de poudre de cacao, de chocolat concassé et de sucre (très peu !).

Lorsqu’on lui demande pourquoi le chocolat chaud, la réponse est simple. « Je n’ai jamais bu de café, moi. Je me suis toujours fait des chocolats chauds, le matin. Et de plus en plus, j’expérimentais avec des épices. Quand j’avais envie de me gâter, j’ajoutais un morceau de vrai bon chocolat noir dans le mélange. »

À nous de nous gâter, maintenant !

Les tablettes de Misstress Barbara

En 23 ans d’expérience aux platines, Misstress Barbara a eu quelques ras-le-bol de l’industrie. Mais elle a toujours retrouvé le plaisir de faire de la musique. En parallèle, elle s’est permis d’explorer quelques-uns de ses nombreux intérêts. Le plus récent ? Le chocolat. Mais pas n’importe lequel. Celui que l’on façonne à la main, de la fève à la tablette.

« Tout ce qu’il me manque, maintenant, c’est mon brevet d’astronaute ! », lance l’artiste hyperactive. Barbara Bonfiglio est une de ces personnes qui jouissent d’un niveau d’énergie et de motivation bien supérieur à la moyenne des ours. En plus de sa carrière musicale, elle fait de la moto, de la plongée, de la voile de haut niveau.

Le chocolat lui est venu lorsqu’elle a réalisé que les tablettes Lindt qu’elle avait l’habitude de grignoter, entre autres pour se tenir éveillée pendant ses cours d’allemand (une autre passion !), n’étaient peut-être pas aussi éthiques et « pures » qu’elle l’aurait voulu.

« J’ai alors su qu’un de mes amis faisait son propre chocolat à la maison, explique-t-elle. J’ai commencé à lire sur le sujet. Puis je me suis essayée à mon tour, avec de la poudre de cacao, du beurre de cacao et du sirop d’érable. Rapidement, je me suis retrouvée avec une quantité infernale de chocolat à la maison, alors j’ai distribué mes petits carrés aux amis, qui m’ont encouragée à continuer. »

Le hasard (ou était-ce le destin ?) a ensuite voulu que la résidante de la Petite Italie arrive face à face avec son ancienne agente, Maud Gaudreau, qui était à la recherche d’un local pour ouvrir une chocolaterie. C’est là que Barbara a sorti un petit paquet de sa poche, destiné à sa comptable. « Tiens, goûte à ça », a-t-elle dit. La comptable pouvait attendre !

La boutique de Maud, État de choc, a ouvert ses portes l’automne dernier, sur le boulevard Saint-Laurent, au sud de Beaubien. C’est à n’en point douter la chocolaterie la plus haut de gamme du Québec. Bien qu’elle ait beaucoup apprécié les tablettes de Barbara, Maud a conseillé à son amie de délaisser le cacao à la faveur d’un chocolat de couverture de qualité.

La musicienne n’y comprenait rien. « Tu veux dire que je dois prendre un chocolat déjà fait, le faire fondre, le refaçonner et mettre mon nom dessus ? Où sont le plaisir et la créativité là-dedans ? », s’est demandé la puriste.

Fidèle à son habitude, « madame stress » a choisi la voie difficile. Elle a commencé avec un sac de grué (fève de cacao concassée) acheté à la chocolaterie Avanaa, a évolué vers la fève entière, s’est acheté une petite concheuse (broyeuse à chocolat) de comptoir, tout en continuant à tempérer à la main, puisque c’est l’étape qui la détend le plus. Elle ajoute très, très peu de sucre.

Les premières tablettes Barbon ont été vendues la semaine dernière, chez État de choc et au salon de coiffure Boutique H. Elles s’envolent vite. Mais Barbara n’a pas l’intention de s’imposer la moindre pression.

« J’ai déjà voyagé 43 week-ends par année. J’ai travaillé comme une folle. J’ai dû moi-même mettre un frein à ma carrière. Le chocolat, je le fais pour le plaisir. Parfois, je passe 14 heures d’affilée à faire des tablettes. J’adore ça. Mais je ne veux absolument pas que ça grossisse, que ça perde son essence, sa transparence, son côté ultra-artisanal. »

L’aspect très exclusif du produit se paie. Les tablettes de 48 g – qui portent toutes des noms de félins – coûtent entre 16 et 19 $. La plus rare s’appelle Lion. Elle est blonde (sans être du chocolat blond comme le Dulcey de Valrhona) car elle est faite à partir d’une rare fève de cacao albinos du Mexique. Ça, c’est tout Barbara !

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