Éditorial Ariane Krol

ÉconomiE
L’empreinte de Bombardier

La suppression de 2500 postes dans les activités québécoises de Bombardier est un dur coup sur le moral, mais le secteur aérospatial paraît bien positionné pour amortir le choc. C’est heureux, car Bombardier, qui poursuit son redressement, n’est plus en mesure de donner la même impulsion à l’industrie.

La journée de jeudi a commencé par l’annonce d’une nouvelle ronde de coupes, et s’est terminée sans que les employés n’en aient eu les détails. Des 5000 postes supprimés dans le monde, la moitié sont au Québec, essentiellement dans les activités aérospatiales. En ne sachant pas comment se chiffre se déclinera dans les bureaux et les usines, on ignore encore combien de personnes seront réellement forcées de chercher un nouvel employeur. Mais si l’on en croit les premières réactions, ils seront accueillis à bras ouverts.

Le secteur roule à fond de train, au point d’être en pénurie de main-d’œuvre, a fait savoir la PDG de la grappe aérospatiale Aéro Montréal, Suzanne Benoît.

Même son de cloche à Polytechnique, qui tient ses portes ouvertes annuelles demain. Si l’on s’attend à davantage de questions au stand du génie aérospatial, le message demeure le même que les années précédentes : l’écosystème est non seulement en très bonne santé, mais on manque en plus d’ingénieurs. En plus de la soixantaine de diplômés en génie aérospatial, une bonne trentaine de finissants en génie mécanique ont été embauchés dans le domaine l’an dernier.

Bombardier a elle-même indiqué qu’elle reprendrait un certain nombre de « membres clés » de son équipe d’ingénierie ailleurs dans l’entreprise, principalement dans sa division Avions d’affaires.

Des syndiqués affectés à la production pourraient aussi être replacés à l’interne (y compris sur la C Series contrôlée par Airbus, puisqu’ils y ont une priorité d’embauche). Ça s’est d’ailleurs souvent fait dans le passé. L’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIM), qui comptait 4500 membres chez Bombardier avant les coupes de février 2016… en comptait toujours autant jeudi matin, témoigne le coordonnateur de l’AIM au Québec, David Chartrand.

Il ne s’agit pas de minimiser l’épreuve vécue par les employés qui auront à se replacer, et à faire le deuil des conditions et des défis qui les avaient attirés chez Bombardier. C’est extrêmement malheureux. Mais au moins, il y a de l’espoir. Les sous-traitants québécois ont des contrats ailleurs dans le monde et besoin de main-d’œuvre qualifiée pour les remplir.

Par contre, il faut se faire à l’idée que Bombardier Aéronautique, tout en demeurant le leader du secteur, poursuit sa cure minceur, et n’aura donc plus la même empreinte dans un avenir prévisible.

Avec la cession du contrôle de la C Series l’été dernier, la vente du programme des Q400 cette semaine et l’ouverture à des « options stratégiques » pour les jets régionaux, on se demande ce qu’il restera de l’aviation commerciale à la fin de cette grande restructuration, prévue pour 2020.

Certes, Bombardier demeure très impliquée dans le A220 d’Airbus et elle compte bien faire croître sa division Aérostructure, qui développe et fabrique des composants pour divers modèles d’avions. Mais ce n’est pas ce qui l’amènera à lancer un ambitieux programme pour un tout nouvel appareil, comme elle l’a fait avec la C Series.

Pour cela, il faudra s’en remettre à la division des avions d’affaires, sur laquelle elle continue de se recentrer… lorsque Bombardier générera des flux de trésorerie disponible suffisants pour rassurer ses actionnaires, ce qui n’est pas fait, comme on a pu le voir à la réaction des marchés jeudi.

Bref, on n’est pas près de revoir Bombardier Aéronautique développer autant de programmes de front qu’elle l’a fait il y a quelques années – avec tout ce que cela a créé d’effervescence et d’emplois, mais aussi de pression et de vulnérabilité.

Pour les emplois, le relais semble assuré dans l’immédiat. Mais on ne peut pas tenir le secteur pour acquis. Il faut continuer à réfléchir en termes de développement et les gouvernements seront appelés à s’impliquer.

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