LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

ANDRÉ MICHEL

Mettre un visage sur l’itinérance urbaine autochtone

L’artiste peintre André Michel expose à l’Écomusée du fier monde le fruit de deux années de travail passées auprès de membres des Premières Nations en situation d’itinérance à Montréal. Des dessins et des peintures sans complaisance qui évoquent ces autochtones devenus des « nomades citadins ».

L’univers autochtone, cela fait près d’un demi-siècle qu’André Michel le découvre, le côtoie, le partage et le promeut, sans se l’approprier pour autant, et ce, depuis que ses pas l’ont mené sur ceux des Premières Nations, quand cet Avignonnais de naissance s’est installé à Sept-Îles dans les années 70.

Depuis, il n’a de cesse de consacrer son temps et son énergie à leur cause. « Pour ne pas qu’ils disparaissent », dit-il.

C’est lui qui est à l’origine de la création, en 1975, du Musée de Sept-Îles, devenu plus tard le Musée régional de la Côte-Nord et qui, au départ, avait pour but de procurer un écrin aux nombreux objets d’art autochtone qu’il avait rassemblés.

Vingt ans plus tard, André Michel a créé le Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire, puis, en 2000, la Maison amérindienne, fondée également au bord de la rivière Richelieu pour mettre en valeur les artistes autochtones.

« Dans leurs communautés, il n’y avait pas d’institutions pour exposer les artistes amérindiens du Québec, dit-il, et quand ils voulaient être montrés dans une galerie, il y avait tellement d’artistes non autochtones qu’ils n’étaient jamais choisis. »

On pourra difficilement accuser André Michel d’appropriation culturelle, tant il a travaillé, chassé, pêché et échangé avec ses amis amérindiens. Ce n’est pas un hasard si le catalogue de cette exposition intitulée Nomades ou itinérants – Peuples en danger a été rédigé par le commissaire autochtone Guy Sioui Durand et préfacé par Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.

Sur les traces des autochtones 

André Michel a vadrouillé partout dans le monde pour faire le portrait d’autochtones, de l’Amérique latine jusqu’en Mongolie. Il a dessiné également bien des sans-abri, rencontrés à Tokyo, Séoul, Paris, New York ou encore Moscou.

« J’ai réalisé que la problématique de l’itinérance était la même à Montréal, Paris ou New York. Les gens se retrouvent dans la rue pour les mêmes raisons, à cause de la perte d’un emploi ou d’une séparation. Un jour, j’ai croisé à Montréal un autochtone itinérant que j’avais connu dans le Nord. »

— André Michel

Il a alors décidé d’aller voir ses amis du Centre d’amitié autochtone de Montréal et d’y faire du bénévolat, ce qui lui a permis d’aller à la rencontre de sans-abri autochtones. L’artiste a dormi dans la rue, partageant la réalité d’une cinquantaine d’autochtones sans abri. Il a alors convaincu une vingtaine d’entre eux d’accepter de participer à son projet pictural.

Sanguines et peintures

L’expo présentée à l’Écomusée du fier monde comprend 24 grands dessins à la sanguine et une dizaine de peintures à l’huile dont deux toiles de quatre pieds sur huit pieds représentant Paul, un géant autochtone qui a trouvé un emploi depuis, et Tommy, dessiné couché sur un banc public.

Les œuvres d’André Michel sont magnifiques. Son trait est sûr, précis, d’une grande vérité, d’une belle humanité. Ses créations sont teintées de spiritualité, même si l’artiste d’origine française ne se prend pas pour un autochtone.

« Je ne fais que peindre des gens, dit-il. J’aime ces gens, mais je ne touche pas à leur spiritualité. C’est à eux. » 

« Dans ma tête, j’ai seulement décidé de laisser un témoignage d’un mode de vie qui est en train de disparaître et d’un mode de vie en train de se créer, soit cette itinérance urbaine. »

— André Michel

Il a souhaité mettre en valeur ces autochtones sans abri et le fait bien. Mais sans claironner les problèmes qu’ils rencontrent et leurs propres souffrances. Quand ils sont dessinés à côté d’une bouteille de bière ou de vin, c’est parce qu’ils ont insisté pour la conserver pendant qu’ils posaient.

Les portraits sont accompagnés de toiles qu’André Michel a peintes dans les années 70 et qui appartiennent à des collectionneurs. L’expo comprend aussi des objets qui témoignent de ses sorties dans les bois avec des Innus : un grand canot, des sacs en peau de phoque, des souliers tressés de perles, des raquettes, un porte-bébé, etc.

« Mettre le doigt sur le problème »

Peintre-ethnographe, André Michel ne cherche pas à vendre ses dernières toiles. Ce n’est pas l’endroit pour ça. Mais si on le contacte après l’expo et qu’il en vend quelques-unes, il reversera la moitié de ses gains à une épicerie qui ouvrira un compte pour que les sans-abri puissent venir y chercher de la nourriture. Mais pas de l’alcool.

« Le but de cette exposition est d’abord de mettre le doigt sur le problème de l’itinérance, dit-il. Faire en sorte que les gens en place soient plus sensibles et se posent des questions, car je pense qu’il faut avoir une approche différente avec l’itinérance autochtone. Et puis, le but est aussi de parler des autochtones, car, comme je dis souvent, plus on parle d’un peuple et plus il est difficile de le faire disparaître. »

Nomades ou itinérants – Peuples en danger, d’André Michel, à l’Écomusée du fier monde (2050, rue Amherst, Montréal), jusqu’au 26 août

LA VIRÉE DES GALERIES

Autres expositions

Add Fuel

L’artiste portugais Add Fuel (Diogo Machado) est en solo à la galerie Station 16 jusqu’au 1er septembre. L’exposition XVII-XXII présente des œuvres qui rappelleront de vifs souvenirs à ceux qui ont déjà visité le Portugal, puisque le muraliste, dessinateur et céramiste de 38 ans s’inspire du graphisme de la céramique traditionnelle portugaise (azulejo) dans des créations qui évoquent notre ère technologique. Le vernissage a lieu ce soir, de 18 h à 21 h. Entrée libre.

XVII-XXII, d’Add Fuel, à la galerie Station 16 (3523, boulevard Saint-Laurent, Montréal), jusqu’au 1er septembre

Galerie Nicolas Robert

Cet été, la galerie Nicolas Robert, à Montréal, célèbre l’art avec des fleurs. Elle présente, jusqu’au 25 août, l’expo Coetus Floreus, des œuvres de Lorna Bauer, Michelle Bui, Andréanne Godin, Zachari Logan, Gillian King, Kris Knight et Laurence Pilon ayant en commun le thème de l’arrangement floral. Les huiles sur toile, bronzes, pastels et photographies rassemblés évoquent ce thème autant à travers le processus et les méthodes de création que dans la composition.

Coetus Floreus, à la galerie Nicolas Robert (10, rue King, Montréal), jusqu’au 25 août

BRIGITTE DAHAN

La galerie Montcalm, à Gatineau, présente jusqu’au 19 août l’exposition Mouvances de la sculpteure et céramiste Brigitte Dahan. Une expo d’œuvres contemporaines mêlant argile et composants électroniques. Une rencontre entre l’art et les sciences. Une réflexion sur l’avenir du genre humain dans un monde en pleine transformation.

Mouvances, de Brigitte Dahan, à la galerie Montcalm (25, rue Laurier, Gatineau), jusqu’au 19 août

Musée de la Gaspésie

Le Musée de la Gaspésie a mis en ligne 3200 nouvelles images d’archives sur son site. La banque d’images numérisées passe ainsi de 800 à 4000 documents iconographiques, majoritairement des photos, mais aussi des gravures, des affiches, des cartes et des plans. Cette banque d’images est consultée autant par les Gaspésiens et les amoureux de la péninsule que par les historiens et les professionnels des médias ou des musées.

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