Dans l’univers des filles de ring

Juchées sur des talons vertigineux et vêtues d’une tenue légère exhibant leurs courbes, les ring girls sont omniprésentes dans les sports de combat, et ce, depuis les années 60. Leur rôle : tenir bien haut la pancarte annonçant le prochain round d’un match. La pratique, vue comme une tradition, commence néanmoins à être critiquée. Les filles de ring sont-elles vouées à disparaître ?

Un reportage de Sophie Allard

Une pratique controversée

Mary Dubois a longtemps été rongée par la timidité. Devant une foule, cette compétitrice de culture physique perdait tous ses moyens. C’est d’ailleurs pour combattre cette gêne qu’elle a fait ses débuts comme ring girl en 2013.

« La première fois, je me cachais derrière ma pancarte. Ça a pris deux ans avant que je sois vraiment à l’aise et que je puisse en faire une carrière de fin de semaine », raconte-t-elle. La semaine, elle est gestionnaire dans une entreprise de télécommunications.

Depuis, Mary Dubois a participé à 120 galas. En boxe, mais aussi en arts martiaux mixtes (MMA), en kickboxing et en jiu-jitsu. « On dit que je suis la plus en vue au Québec », se vante-t-elle. Elle se promène partout dans la province, s’est produite devant des foules de 5000 personnes. Marcher sur un ring est, pour elle, une vraie passion. « Je me sens comme une petite fille. »

Elle aime cette montée d’adrénaline qu’elle ressent alors qu’elle grimpe les marches la menant à l’arène. « La tâche est simple, on marche et on sourit, mais dans ma tête, ça se bouscule : la carte va-t-elle être du bon bord ? Ma jupe va-t-elle remonter quand je passerai entre les câbles ? J’ai à cœur de bien faire les choses, d’être au mieux de ma forme. »

Très demandées

Quelque 60 ans après leur apparition dans les casinos de Las Vegas, les ring girls sont plus présentes que jamais, ici comme ailleurs. Au Québec, chaque gala, ou presque, a sa fille de ring. Mary Dubois, qui peine à suffire à la demande, a mis sur pied une petite agence.

« Les ring girls font partie du spectacle. Quand elles se déhanchent sur la musique, qu’elles envoient la main aux spectateurs, ils sont contents », dit Bernard Barré, vice-président du Groupe Yvon Michel. Il gère l’embauche des ring girls depuis 20 ans. 

Aux États-Unis, plusieurs ring girls ont un statut de star. L’UFC, géant des arts martiaux mixtes, fait de leur promotion un élément central. Arianny Celeste, la plus célèbre UFC girl, compte plus de 3 millions d’abonnés sur Instagram. Grâce à divers contrats – elle a notamment posé nue pour Playboy – , elle est aujourd’hui millionnaire. « Avec ses nombreux abonnés, elle apporte beaucoup au UFC. On ne peut pas en dire autant de tous les combattants. Elle a travaillé fort pour être où elle est rendue », note la Québécoise Édith Labelle, qui a travaillé à ses côtés de 2007 à 2009.

Talons hauts et testostérone

Au Québec, les promoteurs recrutent les ring girls dans les bars, par l’entremise d’agences de mannequins ou d’hôtesses, sur Facebook ou dans les pages de magazines pour hommes. Plusieurs ont déjà posé en bikini ou en lingerie pour Summum Magazine. Elles sont sélectionnées à la lumière de portfolios laissant peu de place à l’imagination. Plus rarement, elles gagnent leur place à l’issue de concours devant public.

On veut des femmes jeunes, voluptueuses, souriantes et, souvent, très peu vêtues. « Certains s’essaient encore et demandent le port du bikini, mais je refuse », insiste Mary Dubois. Ses filles, comme la majorité des ring girls, portent une robe sexy ou un short moulant, exhibent un décolleté plongeant.

« En 2018, ça fait un peu archaïque de présenter des filles à moitié nues, affirme la boxeuse Marie-Ève Dicaire, aspirante numéro un à la WBA. On travaille tellement fort en tant que femmes pour avoir de la reconnaissance. Ce n’est pas en montrant des filles avec un décolleté jusqu’au nombril qu’on véhicule une image respectable de la femme. On tente de rendre la boxe glamour, alors pourquoi ne pas faire porter aux ring girls des robes de soirée ? »

« On ne nous habille pas beaucoup, c’est vrai, confirme Mélanie Moreau, fille de ring depuis 2011. Les sports de combat sont majoritairement pratiqués par et pour des hommes. On est là pour eux, pour stimuler leur testostérone. Tout est dans le regard, la prestance. Si tu croises les yeux d’un spectateur une demi-seconde, tu fais sa soirée. »

Un rôle critiqué

Parfois, ça va trop loin, croit Ariane Fortin, ancienne double championne du monde en boxe olympique. « C’est arrivé dans certains galas locaux où, plus la soirée avançait, moins la ring girl était habillée. On m’a dit que ça excitait les gars quand elles enlevaient des morceaux, que ça faisait lever le party et vendre de la bière. Je trouvais ça assez ordinaire, surtout en présence d’enfants. »

En 2016, la championne du monde WBC, la Suédoise Mikaela Lauren, en a eu assez. Elle a annoncé qu’elle refuserait de défendre son titre si on ne remplaçait pas l’habituelle ring girl par un ring boy pour son combat. « Les femmes ne devraient pas être vues comme des objets sexuels ! », a-t-elle déclaré sur Boxing News.

Un milieu difficile

Le respect, justement, n’est pas toujours là, selon plusieurs témoignages recueillis. « Dans le milieu professionnel, on est traitées comme de vulgaires pions », résume une fille de ring. L’une nous raconte qu’un promoteur lui a caressé la cuisse et a tenté de l’embrasser contre son gré dans une fête d’après-gala. D’autres avancent qu’un promoteur exige un souper en tête-à-tête pour obtenir un contrat. À d’autres, on fait miroiter des conditions alléchantes qui ne se concrétisent jamais. « C’est un milieu difficile, souligne une ring girl, Jessica Kellett, mais on se parle entre nous. Avec l’expérience, on sait avec qui ne pas travailler. »

En boxe professionnelle, les ring girls sont généralement embauchées à la pièce, sans contrat. « Quand tu ne fais plus l’affaire, ils te jettent du jour au lendemain, sans prévenir et sans explication, déplore Mary Dubois. On est bien mieux traitées dans les galas de boxe amateur. Les soirées de 15 combats peuvent être longues et épuisantes, mais la paie est bonne et les organisateurs nous respectent et sont fidèles. »

Mélanie Moreau est sous contrat pour TKO. « On a une coiffeuse, une maquilleuse, on nous rembourse le coût de nos chaussures, on nous paie les repas. En boxe professionnelle, c’était ridicule, je devais tout payer, même pour me déplacer de Québec. Mais ça m’a fait connaître et j’ai pu ensuite participer à des galas de boxe amateur où on nous apprécie. »

Aucune réglementation

Les promoteurs ont beau jeu : le travail des filles de ring n’est soumis à aucune réglementation. « Les promoteurs ont carte blanche, la Régie ne réglemente pas les filles de ring. Contrairement aux boxeurs, on n’a pas droit de regard sur elles », indique Me Joyce Tremblay, porte-parole de la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Même son de cloche de la Fédération québécoise de boxe olympique. « On n’a aucune règle écrite sur le sujet. On veut que ça se fasse correctement, en respectant le code d’éthique, que ça reste dans les limites du bon goût. En cas d’incident, il y aurait des convocations », indique le directeur général Kenneth Piché. En boxe olympique, les tournois provinciaux, nationaux et internationaux n’emploient pas de ring girls, contrairement aux galas locaux et régionaux.

« On ne veut pas juger les femmes qui font ça, mais on en a contre la pratique : la femme est là comme faire-valoir de l’homme sportif, seulement pour son corps, pour être désirable », dit Kim Dupré, directrice générale d’Égale Action, organisme consacré à la cause des femmes dans le sport. « Plus un sport est à connotation masculine, plus les femmes risquent d’y jouer le rôle réducteur de “poupounes”. »

Dans les coulisses

Le 20 juillet, le boxeur Jean Pascal affrontait Steve Bossé à la Place Bell de Laval. Les ring girls du Groupe Yvon Michel ont accepté de nous ouvrir les portes de leur loge. Compte rendu de la soirée.

Il est 17 h 30. Albane Marion, 24 ans, arrive de Québec où elle habite. Tout juste descendue de voiture, elle est dirigée dans un dédale de couloirs. La grande salle qui devait accueillir les filles de ring est occupée par un traiteur. « Où peut-on mettre les ring girls ? », demande un employé dans son walkie-talkie. Il rebrousse chemin, les filles à sa suite.

Ce soir, elles se prépareront dans une salle de soigneurs. Pas de fauteuil, pas de miroir. « On n’a pas besoin de grand-chose », dit Albane, en sortant sa trousse de maquillage. Finaliste à Miss Canada 2017, elle est ring girl depuis trois ans. « Je suis ici comme dans mes pantoufles. »

« C’est ma première fois, je ne sais pas à quoi m’attendre. Cette semaine, j’ai regardé plein de vidéos de filles en train de tomber ! », lance Kym Radermaker, 27 ans. Elle remplace Annie Chartrand, membre du duo habituel, partie en voyage.

« Le sourire, c’est le plus important. Il faut que tu aies l’air d’avoir du fun, conseille Albane. Tu dois t’arrêter de chaque côté, tu fais des poses. La première fois, on marche toutes trop vite. »

Assise au bout d’une table de physiothérapie, la jeune femme de Mont-Tremblant sort de son sac des chaussures noires à talons hauts. « Je ne les ai même pas encore essayées, admet-elle. C’est vrai que le tapis est mou ? » Un employé de GYM arrive. « Bonsoir les filles, avez-vous vos costumes ? Cinq minutes avant 7 h, les gars vont venir vous chercher. Soyez prêtes ! »

À leurs côtés, six danseuses se préparent dans une ambiance bon enfant. Elles se coiffent, enfilent des bas de nylon, ajustent leur petite robe noire. « Quelqu’un a du ruban collant à double face ? », demande l’une d’elles. Albane en a dans son sac fourre-tout. La danseuse en applique le long de son décolleté. « Ça aide à tenir le tout en place, je ne voudrais pas qu’un sein sorte en dansant », explique-t-elle.

« Il y a des miroirs dans la pièce à côté », annonce Patrick, conjoint d’Albane. Les deux filles s’y installent par terre et mettent la touche finale à leur maquillage. Puis, elles vont se changer dans les toilettes. « Avez-vous votre bracelet rouge ? », demande l’agent de sécurité. La circulation des ring girls (et des autres membres du personnel) est encadrée, elles sont interdites de passage devant les vestiaires des boxeurs. « On risque de les déconcentrer, quoi ? », lance Albane, un sourire en coin.

Cinq minutes avant de se diriger vers le ring, Albane et Kym sont fin prêtes. Elles prennent la pose pour Patrick, qui ouvrira les câbles pour elles ce soir. « Il est aussi notre porteur de cellulaire, de rouge à lèvres, et il va nous chercher à grignoter entre deux combats », dit Albane. « Allez attendre derrière le rideau, svp », demande un régisseur. Le groupe quitte la loge.

« Les ring girls ont une occasion incroyable de se faire voir, dit Bernard Barré de GYM. Je leur dis : “Collez-vous à l’annonceur, votre job est de manger la caméra.” »

« Entre les rounds, c’est leur minute à elles. Elles doivent la remplir. Je leur dis : “Ne partez pas comme une fusée, traînez-vous les pieds, faites des moves – certaines sont meilleures que d’autres ! – , on veut vous voir.” Certaines ring girls ont été presque aussi populaires que mes boxeurs. On m’en parle encore. »

« Quand tu es devant, tu vis ton petit moment de gloire. C’est l’fun de se voir à la télé », confie Albane. Barmaid et technicienne en pose de cils, elle aide à la gestion du salon de coiffure de son conjoint. « Je suis ring girl parce que j’ai du plaisir à travailler avec les filles. J’aime rencontrer des gens. J’aime l’ambiance dans la salle, l’engouement autour de l’événement. Et on est assez bien payées. »

La carrière de fille de ring est courte. La moyenne est de trois ans. « C’est plus un trip qu’elles vivent, ça leur fait un peu d’argent et elles passent à autre chose », dit Bernard Barré.

Après avoir observé sa complice, Kym fait son entrée sur le ring. « J’étais un peu décalée au début, mais après, ça s’est bien passé », a-t-elle dit en fin de soirée. Patrick lui a conseillé de tenir la pancarte plus haut. « Elle faisait de l’ombre sur son visage. » Les spectateurs ont sifflé lors de son passage, signe de leur ravissement.

Bernard Barré est satisfait. Il en a vu de toutes sortes au fil des ans. « J’ai eu quelques mauvaises expériences. Parfois, j’ai été obligé d’intervenir. Après quelques verres dans le nez [les volontaires sont nombreux à vouloir leur payer la traite], ça marche moins droit sur des talons hauts. La fille n’agira pas de la même façon et va dépasser la ligne. »

Ce soir, huit combats sont présentés. Albane et Kym y sont du début à la fin. « Si les combats font la limite, on n’a pas de pause. C’est long, mais ça passe vite. Avant, je n’étais pas fan de boxe, mais j’ai développé un intérêt. »

La boxeuse Marie-Ève Dicaire, qui se bat ce soir, est d’avis que les filles de ring ont leur utilité, mais que la tradition n’aide en rien les athlètes féminines à faire leur place dans le milieu. C’est en train de changer, croit-elle. « Les gens font la différence entre moi, l’athlète, et la ring girl, qui est là pour embellir le décor. C’est avec des efforts constants et nos performances qu’on amènera les gens à réfléchir et à définir la place de la femme dans le sport. »

Albane et Kym, elles, sont ravies de leur soirée, heureuses d’avoir conquis le cœur des 3200 spectateurs. Et d’avoir brillé pendant quelques secondes à la télé.

Témoignages

Au-delà des préjugés

Deux femmes, ring girls à leurs heures, ont accepté de nous parler de leur expérience et des motivations qui les incitent à parader.

Mélanie Moreau

Peindre avant tout

Quand elle peint, Mélanie Moreau perd toute notion du temps. Elle peut passer des heures devant ses toiles à préciser certains détails, à développer son style. « C’est une passion, tout me ramène à ça. J’ai étudié en arts au cégep et je n’ai pas continué à l’université, c’est un regret. » Elle est fonctionnaire depuis huit ans.

Cette native de la Gaspésie a peint beaucoup de portraits sur demande. Sa notoriété de fille de ring l’a aidée à accumuler les commandes. Mais depuis quelques mois, elle travaille à sa nouvelle collection. « C’est un rêve de pouvoir en vivre un jour. »

Et les contrats de ring girl ? « À 32 ans, je suis sur mes derniers milles, dit-elle en riant. J’aime la visibilité que ça me donne, j’aime le contact avec le public. Mais je commence à avoir fait le tour. »

Mélanie a fait ses premiers pas sur le ring il y a sept ans, en Beauce. Après avoir posé pour le calendrier du magazine Summum et fait de la promotion au Salon international de l’auto de Québec, ça a déboulé. On la réservait tous les week-ends.

une certaine Notoriété

« Quand j’étais jeune, je regardais la lutte et la boxe à la télé, ça me paraissait si gros, si loin. Aujourd’hui, on me voit à RDS ! Quand je retourne en Gaspésie, les gens m’abordent, ils sont fiers de moi. » Elle est notamment fille de ring pour TKO.

« Quand on fait le tour de la cage en MMA, on porte des espadrilles, mais on doit éviter les photographes, les fils, tout en regardant les gens. À la boxe, on nous ouvre les câbles. En amateur, les tapis sont plus mous et parfois parsemés de trous, mais tout semble plus beau sur des talons hauts. »

Sa présence au Colisée Pepsi lors du Championnat du monde opposant Adonis Stevenson et Dmitry Sukhotsky en 2014 demeure son expérience la plus marquante. « Je me tenais à côté de l’annonceur Michael Buffer quand il a prononcé son célèbre “Let’s get ready to rumble !”, ça me marquera à jamais. Après, j’avais les mains tellement moites que la pancarte me glissait des mains. »

Jessica Kellett

Payer ses études

Jessica Kellett, 26 ans, nous accueille dans son petit bureau chargé. Elle est coordonnatrice de projets pour une société spécialisée en nettoyage d’unités murales, en Montérégie. « Mes patrons savent que je suis ring girl et ça leur va. Mon emploi va toujours passer en premier. »

La jeune femme a porté sa première pancarte à l’âge de 18 ans, alors qu’elle était aux études à l’Université de Montréal. Elle était dans une agence de mannequins, elle travaillait comme grid girl sur la grille de départ du Grand Prix de F1 à Montréal. Elle avait posé plus d’une fois dans des magazines. On l’a repérée et, de fil en aiguille, elle s’est taillé une place dans le milieu, non sans mauvaises expériences.

« Les lieux et les techniques d’embauche sont parfois douteux et dépassent le cadre professionnel. Des promoteurs font des promesses qu’ils ne tiennent pas, d’autres font des avances. Quand j’étais jeune, je ne savais pas trop comment gérer ça. Maintenant, je ne me laisse pas marcher sur les pieds. »

Depuis trois ans, elle travaille en robe de soirée au Casino de Montréal pour les frères Jean-Yves et Victor Thériault de World Combat Arena (kickboxing). « Je n’ai jamais été aussi bien traitée. » Elle est aussi sous contrat pour FightQuest Amateur Combat à Kahnawake et modèle pour Headrush.

« Je le fais pour la paie, mais aussi parce que j’ai du plaisir à le faire. Mon copain et ma famille ont des billets, on va souper après. Je vois les combats de la première rangée et, parfois, on me sert un verre de vin. »

C’est très différent de la F1, insiste-t-elle. « Au Grand Prix, on peut être debout, en talons hauts, pendant 10, 12 heures, sans pause. Il fait chaud, il y a du bruit. Cette année, j’ai fait une seule journée. Pour l’argent. » Mais elle n’est pas prête à tout. « Ils parlent de galas au Beach Club et ils veulent qu’on soit en bikini devant des spectateurs dans un état second. Je refuse, j’ai mes limites. »

Un temps viendra où elle mettra tout ça de côté. « J’aimerais pouvoir ranger ces souvenirs dans une boîte. J’ai vécu de belles expériences, mais on passe toutes à une autre étape. »

Une tradition vouée à disparaître ?

Dans l’histoire du sport, la femme a longtemps été confinée au rôle de spectatrice et de faire-valoir, rappelle le sociologue Nicolas Moreau.

« Le sport a été construit pour prôner la virilité et la masculinité. Pierre de Coubertin disait que le rôle de la femme était d’applaudir et d’exalter le genre masculin », explique le professeur agrégé à la faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa.

« Aux JO, [le rôle des femmes] devrait surtout [être], comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs. » 

— Pierre de Coubertin (1935)

Le recours aux ring girls, qui s’inscrit dans cette vieille mentalité, est voué à disparaître, croit-il. « Le sport n’est ni plus ni moins que le reflet de la société. Avec l’évolution sociale et ce mouvement global pour l’avancement des femmes dans la société, je vois mal comment ces pratiques continueraient d’ici encore cinq ans. » Il distingue les ring girls des cheerleaders « qui pratiquent un vrai sport ». 

À l’ère du mouvement #moiaussi, l’énigmatique promoteur Al Haymon, à la tête de Premier Boxing Champions (PBC), a déjà retiré les ring girls. En mars 2015, lors de son premier gala télévisé sur NBC, il a annoncé sur Twitter : « There are no ring girls. #Evolution ». Pour l’instant, il fait bande à part dans le milieu conservateur de la boxe.

D’autres, néanmoins, font comme lui. Les nouveaux patrons de la Formule 1 ont annoncé en janvier qu’ils mettaient fin à la tradition des grid girls, ces jeunes mannequins sur la grille de départ. Cette pratique « ne correspond pas aux valeurs défendues par notre marque et est clairement en contradiction avec les normes sociétales actuelles », a expliqué dans un communiqué le directeur commercial de la F1, Sean Bratches (cité par l'AFP).

Quelques jours plus tôt, l’organisation professionnelle de fléchettes du Royaume-Uni avait annoncé qu’elle se séparait de ses hôtesses (walk-on girls). Des compétitions de cyclisme sur route, dont les Grands Prix cyclistes de Québec et Montréal, ont éliminé les podium girls, ces hôtesses qui marquent de rouge à lèvres les joues des vainqueurs.

Résistances

La Fédération québécoise de boxe olympique, qui chapeaute 120 clubs, ne prend pas position. « Il y a déjà eu des discussions au sein du conseil d’administration, mais aucune décision n’a été rendue, dit Kenneth Piché. Certains trouvent que ça ajoute au spectacle, que ça attire davantage de spectateurs. Je comprends que ça peut heurter des sensibilités. »

« Je sais que de jeunes boxeuses se sont déjà fait dire que la place d’une femme sur un ring était sous une pancarte. Ce sont des commentaires déplacés, ajoute-t-il. Dans certains clubs, des enfants et des hommes annoncent aussi les rounds. Si nos membres se plaignaient, on pourrait étudier la question et intervenir, mais ce n’est jamais arrivé. »

« On ne veut pas trop y réfléchir, on nous sert l’argument de la tradition, mais une tradition peut changer, évoluer. Les fédérations sportives ont un rôle à jouer »

— Kim Dupré, directrice générale d’Égale Action

« Plus il y aura de modèles de femmes sportives, poursuit-elle, plus il y aura de femmes dans des postes décisionnels, plus la culture du sport changera. »

Bernard Barré, lui, croit que les ring girls sont là pour rester. « Le milieu de la boxe est un milieu très conservateur. Dès qu’on annonce un petit changement, ça dérange les habitudes des amateurs de longue date. Je verrais mal le fait de les enlever, il faut bien savoir à quel round on est rendus ! »

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