Abus de pouvoir

Mon père
Grégoire Delacourt
JC Lattès
219 pages
** 1/2

Le sujet est dans l’air. Après François Ozon et son film Grâce à Dieu, c’est au tour du romancier Grégoire Delacourt de s’attaquer à la douloureuse question des abus sexuels au sein de l’Église. Et le mot « attaquer » n’est pas trop fort puisque l’auteur de La liste de mes envies nous propose un texte d’une violence qui en surprendra sans doute plusieurs.

Mon père est un court roman, très nerveux, décrivant un huis clos entre un père qui vient d’apprendre que son fils a été agressé sexuellement et le prêtre qu’il soupçonne être coupable de l’abus.

Édouard Roussel, le narrateur, a été élevé par un père taiseux qui ne le touchait jamais et une mère dévote. Il est démoli lorsqu’il réalise qu’il n’a pas su voir les signes d’agressions chez son petit garçon adoré, Benjamin. Le gamin perd l’appétit, s’étiole jusqu’à tomber très malade. Son père découvre alors l’horrible vérité. Animé par un sentiment de vengeance destructrice, il se rend à l’église et affronte le religieux qui a côtoyé son fils dans des camps de vacances et des cours de catéchisme. Édouard laisse exploser sa violence et force le prêtre à tout avouer. Grégoire Delacourt ne nous ménage pas, la lecture des détails des abus est à la limite du supportable.

Ce face-à-face où douleur et violence se côtoient est entrecoupé du récit d’un temps plus heureux, polaroids de l’enfance de Benjamin, de la vie familiale d’Édouard, ou de sa rencontre avec Nathalie, la mère de son fils. Bref, c’est le récit de l’insouciance, quand tout n’était pas encore souillé.

À cette trame entrecroisée du présent et du passé, Delacourt ajoute une troisième dimension, soit le récit biblique d’Abraham, à qui Dieu avait demandé de sacrifier son fils Isaac sur le mont Moriah. La Genèse pour tenter d’expliquer la dérive de l’Église et ses abus ? Cette partie du livre alourdit inutilement le récit, à notre avis. Quant au retournement de situation inattendu à la fin du roman, il nous laisse carrément sceptique.

Chose certaine, les fidèles de Grégoire Delacourt risquent d’être déstabilisés par la violence contenue dans chaque page de ce roman qu’on reçoit comme un grand cri de rage.

Ode à la vengeance

La cage dorée
Camilla Läckberg
Éditions Actes Sud
352 pages
2,5 étoiles

Tout ? Oui, Faye est prête à tout pour se venger de son mari lorsqu’elle découvre qu’il la trompe sans vergogne et la quitte sans lui laisser le moindre centime de la fortune astronomique qu’elle l’a pourtant aidé à amasser, sacrifiant au passage ses propres ambitions. Dans la foulée du mouvement #metoo, Camilla Läckberg signe un polar où les femmes trompées sont appelées à s’unir contre les hommes qui les ont trahies, un thème qui aurait pu être plus porteur si les personnages n’avaient pas été tracés aussi grossièrement : les femmes sont destinées à être des victimes – jusqu’au moment de leur habile revanche – et les hommes, de parfaits salauds, à une exception près. N’empêche que Camilla Läckberg sait accrocher le lecteur et mener adroitement une intrigue. Les pages défilent avec un malin plaisir : qui n’aime pas voir l’arroseur arrosé ?

– Violaine Ballivy, La Presse

Voix de femmes

Ce qu’elles disent
Miriam Toews
Boréal
264 pages
***1/2

Est-il possible de pardonner à son agresseur lorsqu’il s’agit d’un membre de sa famille ? L’écrivaine canadienne Miriam Toews s’est inspirée d’un drame réel pour donner la parole à des victimes de violences sexuelles. Dans une communauté mennonite de Bolivie, des femmes de tous âges ont été droguées et violées pendant leur sommeil par les hommes de leur entourage – certaines par un oncle, un frère, un cousin. Réunies en secret, elles doivent prendre une décision rapidement : peuvent-elles continuer à vivre aux côtés de leurs agresseurs ou doivent-elles partir, alors qu’elles ne savent ni lire ni écrire ? Leurs échanges nous tiennent sur des charbons ardents pendant les 48 heures qu’elles passent à débattre sur les maigres possibilités qui s’offrent à elles. Quelle voie leur permettra de rester fidèles à leurs valeurs ? Leurs questionnements sont justes, leur sororité, inspirante. Et le débat, brûlant d’actualité dans cette nouvelle ère où garder le silence ne fait plus partie des options.

— Laila Maalouf, La Presse

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