Mon clin d’œil

Souhaitons aux patients d’être aussi bien traités que les médecins.

DROIT DE LA FAMILLE

Quand Cupidon rate sa cible

Le jour de la Saint-Valentin permet de célébrer l’amour, particulièrement celui des personnes qui s’engagent l’une envers l’autre. La touchante demande en mariage qu’a formulée le député caquiste Éric Lefebvre en plein Salon bleu tombait en ce sens à point nommé. Mais au-delà des salves d’applaudissements, des célébrations d’allégresse, des chansons d’amours et des Fifty Shades of Grey que soulève la relation amoureuse, on aurait tort d’oublier les enjeux légaux qui en résulteront un jour ou l’autre, quelle qu’en soit la forme.

Parmi les élus sur place qui ont applaudi l’initiative amoureuse du député Lefebvre, le premier ministre Philippe Couillard et la ministre de la Justice Stéphanie Vallée. Ont-ils pris conscience de l’ironie de la situation ? Le mariage illustre plus que toute autre institution le caractère anachronique du droit de la famille québécois dont les bases n’ont pas été revues par l’Assemblée nationale depuis plus de 35 ans. Faut-il vous rappeler, M. Couillard et Mme Vallée, que l’époque où le mariage permettait de couvrir toutes les situations familiales en procurant aux personnes concernées la protection légale nécessaire est bel et bien révolue ? Que la famille québécoise ne peut plus être envisagée à l’aune des réalités des années 60 et 70 ? Savez-vous que plus de la moitié des enfants naissent aujourd’hui hors mariage ? Et que la conjointe de fait qui aura mis sa carrière de côté pour s’occuper des enfants communs ne pourra solliciter l’application du droit de la famille pour obtenir une juste compensation ? 

En êtes-vous conscients ? Oui, bien sûr que vous l’êtes, puisque vous avez délibérément choisi de maintenir le statu quo, et ce, après que cinq juges de la Cour suprême du Canada – la majorité – en eurent pourtant reconnu le caractère discriminatoire. Contre toute attente, vous vous êtes refusés à reconstruire le droit de la famille à la lumière des nouvelles réalités sociales.

UNE RÉFORME NÉCESSAIRE 

Depuis maintenant trois ans, le rapport du Comité consultatif sur le droit de la famille accumule la poussière sur les tablettes du gouvernement libéral. Un rapport de plus de 600 pages qui recommandait de placer l’enfant, et non plus le mariage, au centre du droit de la famille québécois. Un rapport qui proposait de reconnaître la diversité des modèles conjugaux et familiaux qui cohabitent aujourd’hui et d’assurer aux acteurs qui s’y déploient la protection juridique que requiert leur situation particulière. 

Nul besoin d’une formation en sociologie pour constater que le mariage entre un homme et une femme n’est plus le seul modèle observable et que les enfants québécois ne sont plus nécessairement le fruit de leur union consacrée. 

La conjugalité n’est plus uniforme, pas plus que le mode de conception des enfants. Certains enfants naissent de projets parentaux aux configurations diverses et complexes auxquelles le droit québécois demeure encore et toujours imperméable. Pensons simplement aux enjeux délicats que soulève la maternité de substitution qu’un grand nombre de pays se sont déjà donné la peine d’encadrer. À moins d’espérer le retour des enfants illégitimes qu’on privait jadis de droits en raison des circonstances de leur naissance alors jugées immorales, on ne peut plus ignorer le vide législatif dont l’enfant issu d’un tel projet parental fait actuellement les frais.

Certes, il faut du courage politique pour s’attaquer à la réforme du droit qui gouverne la cellule de base de la société. Visiblement, telle n’est pas la principale vertu du gouvernement Couillard. En attendant qu’un nouveau gouvernement s’attelle à la tâche, les familles et les enfants du Québec devront malheureusement continuer de subir le traitement inadéquat, et parfois injuste, que leur réserve l’un des droits de la famille les plus anachroniques du monde occidental.

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