COMMANDITÉ

La genèse d’un festival

Au début, il n’y avait que les ténèbres. Puis, les projecteurs illuminèrent la scène. Il n’y avait que le silence. Puis, la musique se fit entendre. Malgré toute la volonté de ses créateurs, le Festival international de jazz de Montréal ne s’est pas fait en sept jours :  il faudra onze ans de labeur pour donner vie à son univers. En voici l’histoire.

18 septembre 1969

Avec les étudiants du Cégep Ahuntsic, Alain Simard organise un festival de jazz et de blues d’une journée au centre Paul-Sauvé. L’événement attire 5 000 spectateurs, avec le Jazz Libre du Québec en tête d’affiche.

23 et 24 décembre 1969

Alain Simard récidive avec le Gesù de Noël, un concert-bénéfice pour son café-spectacle La Clef. Pendant 20 heures, une douzaine de groupes et d’artistes blues-rock et jazz, dont le pianiste blues américain Paul Wyner, se produisent sur scène.

24 juin 1970

Le projet de Simard d’organiser un grand festival extérieur à l’Île-des-Moulins de Terrebonne n’a jamais lieu. Malgré l’intérêt de L’Infonie, du Jazz Libre du Québec, de Charlebois et du guitariste blues américain Johnny Winter, le permis pour la tenue de l’événement est refusé.

1971

Simard vend son concept de spectacle Charlebois/L’Infonie aux étudiants du Collège de Maisonneuve. À 1 $ chacun, les 2 000 billets s’envolent. Pendant cette collaboration, Alain Simard rencontre André Ménard, ce qui marque le début d’une longue amitié.

1972

Alain Simard se joint à Productions Kosmos, une équipe réunissant Jean Bertrand, Michel Maltais, Yves Savoie, Michèle Blais et Denyse McCann. Malgré sa réputation de «  commune hippie  », la bande réussit à présenter à Montréal de grosses pointures comme Pink Floyd, Genesis et Weather Report.

1974

Lorsque les groupes progressifs britanniques connaissent le succès, Kosmos peine à les ramener ici. Les artistes sont plutôt attirés par le concurrent DKD, qui détient l’exclusivité du Forum. Devant la montée du jazz-rock, du jazz fusion et du worldbeat, le rêve festivalier d’Alain Simard se réoriente. Montréal deviendra le tremplin du jazz pour ces musiciens de partout dans le monde.

20 mars 1975

Alain Simard et Kosmos annoncent le projet «  Samedi jazz  ». Au coup de minuit, ils présenteront, au cinéma St-Denis, des concerts d’artistes renommés comme Chick Corea et le mythique John Lee Hooker.

1977

Alain Simard s’associe à André Ménard et Denyse McCann pour fonder Spectra-Scène. Ils produisent des spectacles de jazz et de blues à l’Outremont, au St-Denis et au Théâtre Maisonneuve et parcourent les festivals aux États-Unis pour y rencontrer des organisateurs. Georges Wein, fondateur du Festival de jazz de Newport, les met en garde :  «  Abandonnez avant de perdre votre chemise  !  »

27 avril 1978

Le lancement du grand festival tel qu’imaginé n’a jamais lieu. Les demandes de subvention sont refusées : pas question de financer la venue d’artistes étrangers. Spectra présente tout de même les quatre spectacles déjà signés, le temps d’une soirée : Freddie Hubbard, Larry Corryell, The Eleventh House et le légendaire Dave Brubeck Quartet.

16 juin 1978

Alain Simard enregistre légalement le nom et la raison sociale Festival International de Jazz de Montréal à la Cour supérieure du Canada. Un mois plus tard, le nom Rising Sun Festijazz est déposé par Doudou Boicel, propriétaire du club du même nom. Cet événement présentera chaque année une soirée de jazz et deux soirées de blues à la salle Wilfrid-Pelletier. Spectra ne s’oppose pas à ce que l’événement soit décrit comme un « festival international de jazz et de blues ».

1979

Autre échec. Même si les demandes de subvention visent à «  attirer au pays des milliers de touristes américains pour assister à ce festival qui deviendra un jour une attraction touristique majeure pour Montréal  », les fonctionnaires n’y croient pas et cette ambitieuse édition avorte elle aussi. L’Équipe Spectra présentera néanmoins Bill Evans, Pat Metheny, Keith Jarret et B.B. King à Montréal.

2 juillet 1980

Sans subventions. Sans commandites. Le pianiste Ray Charles donne le coup d’envoi au tout premier Festival International de Jazz de Montréal. Spectra réussit l’exploit de financer l’événement de dix jours par le biais d’enregistrements de radio pour CBC et pour la télévision. Malgré un déficit de 37 000 $, plusieurs concerts se tiennent à guichets fermés et les spectacles gratuits attirent les foules. Ça promet.

Aujourd’hui

On peut remercier les fondateurs du Festival d’avoir persévéré. Malgré les refus répétés, ils n’ont reculé devant rien pour faire de leur rêve une réalité. Quarante ans plus tard, le Festival International de Jazz de Montréal attire en moyenne 2 millions de visiteurs et présente 3000 musiciens d’une trentaine de pays. Le cœur de Montréal bat au rythme du « plus grand festival de jazz au monde* ».

* Selon les Guinness World Records

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