Elle venait de remporter sa quatrième médaille d’or olympique. Désormais aussi connue que les grandes vedettes masculines, elle était au sommet de sa carrière. Le 11 juin 2014, la gardienne Charline Labonté a dévoilé publiquement qu’elle était gaie.
Moins de quatre mois après les Jeux de Sotchi, elle ne voyait pas de meilleur moment pour faire cette sortie.
En cette année olympique, la persécution dont sont victimes les homosexuels en Russie a été largement médiatisée. Et aux yeux de la hockeyeuse, dont tous les proches connaissaient l’orientation sexuelle, une prise de parole publique devenait la réponse la plus forte.
« Je me trouvais hypocrite de juger une culture que je ne connaissais pas, alors qu’ici aussi, il y a encore du chemin à faire », relate celle qui a pris sa retraite du hockey l’an dernier.
« Je n’en ai parlé à personne, mais je me suis dit : si on gagne aux Jeux, je fais mon coming-out. Et comme on a gagné… »
Pour cette femme discrète, se retrouver seule sous les projecteurs, loin de la glace, avait quelque chose de terrifiant. Mais le jeu en a valu la chandelle, ne serait-ce que pour la vague d’appuis qu’elle a reçue de partout dans le monde.
Long parcours
N’empêche, cette sortie arrivait au terme d’une très longue route, qui l’a d’abord obligée à affronter ses propres préjugés.
« J’étais la pire des homophobes. Pourtant, je viens d’une famille d’artistes, où on accepte tout le monde ! C’était complètement stupide. »
— Charline Labonté
Jusqu’à la fin de l’adolescence, elle n’a joué qu’avec des garçons. Elle est encore aujourd’hui l’une des deux seules filles à avoir accédé à la LHJMQ. Et elle y trouvait pleinement son compte, redoutant même le hockey féminin et ses clichés tenaces qui veulent que toutes les joueuses soient gaies.
C’est à ses débuts avec le programme olympique canadien qu’elle a commencé à côtoyer certaines joueuses lesbiennes. Et elle a été déstabilisée dans ses croyances.
« Je découvrais un nouveau monde, ouvert ; j’avais soudain des amies gaies, affichées. »
« Petit à petit, je suis devenue un peu curieuse, mais j’avais peur. Vers 21 ans, j’ai eu ma première blonde. Mon pire coming-out, c’est celui que j’ai dû faire à moi-même, comprendre ce que ça voulait dire. Je pleurais, je ne voulais pas que ça m’arrive. Mais finalement, j’ai juste décidé de vivre ma vie, de voir ce qui allait se passer, ce qui me rendrait le plus heureuse. »
Le pari a visiblement payé. Déjà, à son entrée à l’Université McGill, elle sensibilisait ses coéquipières à un vocabulaire épuré des remarques homophobes.
Et à 36 ans, même si elle ne joue plus, Charline Labonté demeure un modèle pour les jeunes athlètes, garçons et filles, de tous les horizons.
Elle constate que dans le hockey féminin, les malaises fondés sur l’orientation sexuelle sont essentiellement chose du passé.
« Quand on rencontre une nouvelle coéquipière, on lui demande : t’as un chum ou une blonde ? On n’assume rien, on ne tient rien pour acquis. Ça, c’est un environnement inclusif. »
Et surtout, elle s’épate de la prochaine génération de joueuses, qui semble résolument être passée au prochain appel, « des jeunes de 14 ou 15 ans qui s’affichent sur Instagram avec leur blonde ». « C’est incroyable combien elles sont ouvertes ! », s’exclame-t-elle.
C’est ce qui lui donne espoir qu’un jour, peut-être, le volet masculin affichera la même ouverture.