Question d’éthique

Employés en conflit :  on tranche ou pas ?

Chaque semaine, nous réfléchissons à un dilemme éthique où les principes et les valeurs s’entrechoquent. Parce qu’il arrive que la réponse ne soit pas simple, Pause invite les lecteurs à soumettre une question qui les préoccupe.

Dans un milieu de travail, deux employés sont à couteaux tirés. Le ton monte, les coups bas se multiplient… rien ne va plus. Manifestement, ils ne peuvent plus travailler au sein de la même équipe. Leur gestionnaire immédiat recommande que la direction tranche et congédie un des belligérants même s’ils sont tous les deux très compétents. Est-ce une bonne idée ?

La réponse de Ghislaine Labelle, psychologue organisationnelle et médiatrice accréditée

« Au contraire. Si ces deux bonnes “ressources” ont de la difficulté à travailler ensemble, on doit essayer de régler le problème avant de les congédier ou de les déplacer. Sinon, l’employeur se tirerait dans le pied, explique la psychologue et conférencière. J’ai vu beaucoup de grandes organisations faire des déplacements d’employés, et on sait qu’elles s’achètent des problèmes à moyen ou à long terme. »

« Si ces personnes n’apprennent pas à régler leurs problèmes, on va se retrouver avec une multitude de foyers de conflit ailleurs dans l’entreprise, comme plein de petits feux. »

— Ghislaine Labelle

La spécialiste ajoute que, pensant bien faire, plusieurs patrons aimeront mieux éviter le conflit plutôt que de tenter de le régler. Pourquoi se mêler d’un conflit qui ne nous regarde pas, après tout ? Pourtant, acheter la paix a un impact direct sur le climat de tout le service. « Ça envoie le signal aux autres employés que s’ils vivent un conflit, ils n’ont qu’à demander de se faire déplacer », prévient Mme Labelle, en ajoutant que ces situations peuvent entraîner la démobilisation des employés.

Le congédiement ou le déplacement doivent donc être envisagés en dernier recours, après un processus de médiation, croit-elle.

Apparences trompeuses

Encourager les employés à régler leur conflit, certes, mais encore faut-il les accompagner de manière impartiale. Sans trancher pour l’un ou l’autre. Il faut être deux pour danser, rappelle Ghislaine Labelle. « Si A parle de façon irrespectueuse à B, mais que B fait des choses qui entraînent de la frustration chez A, A peut en venir à perdre ses moyens. Si on discipline A parce qu’il a tenu des propos irrespectueux, on vient de créer un déséquilibre et beaucoup plus de frustration parce que B a participé au conflit », illustre-t-elle.

Ainsi, certains comportements semblent plus répréhensibles, mais en faisant une analyse neutre de la situation, on peut comprendre que les deux parties ont une attitude dérangeante.

La condamnation rapide de l’employé le plus réactif est-elle une erreur fréquente dans les milieux de travail ? « Oh oui ! Disons que l’on travaille sur un projet, vous et moi. Je dois vous donner de l’information, et je ne vous la donne pas. Il se peut qu’une journée, vous soyez frustrée. Vous pourriez crier après moi. Je vais alors dire : “Elle a crié après moi !”, mais en même temps, j’ai eu un comportement passif agressif. Alors, qui est le plus coupable entre les deux ? »

La question n’est pas simple, admet la psychologue qui donne entre autres des conférences sur la résolution de conflit en milieu de travail. Elle rappelle toutefois que pour arriver à une résolution de conflit dans les règles de l’art, on doit rester impartial même si on a plus d’affinités avec une des personnes impliquées.

« Le gestionnaire peut trancher sur certains aspects, précise-t-elle. S’il y a eu des comportements irrespectueux, il peut dire que c’est inacceptable et demander aux employés de faire attention à ça. »

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