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Bamako attend impatiemment les militaires canadiens

Une série de mauvaises nouvelles peuvent cacher, en arrière-plan, une réalité qui tend globalement à s’améliorer. C’est ce qui est en train de se produire dans le nord du Mali, où des attaques récentes contre les populations civiles révèlent le désarroi des groupes terroristes, estime Ousmane Sidibé, président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) au Mali. 

Une vingtaine de personnes ont péri samedi à Talataye, dans le nord-est du Mali, près de la frontière du Niger, lors d’une attaque menée par de présumés djihadistes. 

Ces victimes s’ajoutent à une centaine d’autres, tuées dans des attaques semblables au cours des derniers mois.

Mais pour Ousmane Sidibé, ces attentats visant des civils « montrent que les forces terroristes dans le nord du Mali sont touchées dans leur cœur même, qu’elles sont désorganisées et qu’elles réagissent par désespoir ».

« Il y a aujourd’hui beaucoup de conflits intercommunautaires, mais les forces terroristes n’ont plus la capacité de se regrouper pour attaquer frontalement les militaires », se réjouit Ousmane Sidibé, en entrevue téléphonique.

S'inspirer de l'expérience canadienne

À deux mois de l’envoi d’un contingent de Casques bleus canadiens au Mali, M. Sidibé, accompagné de quatre collègues de la CVJR, a fait un séjour d’une dizaine de jours au Canada, principalement pour s’inspirer de l’expérience canadienne en matière de réconciliation nationale.

La délégation a notamment visité le Centre national vérité et réconciliation de l’Université du Manitoba. Ce qu’elle en a retenu ?

« Dans la démarche canadienne, les peuples autochtones sont au cœur du processus, nous n’avions pas envisagé de donner aux victimes le rôle de commissaires, de les laisser piloter la commission. »

— Ousmane Sidibé, président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation

La particularité de la commission malienne, c’est qu’elle recueille les témoignages des victimes de la guerre civile qui a éclaté en 2012 dans le nord du pays à un moment où le conflit n’est toujours pas tout à fait résorbé.

Les accords de paix de 2015 ont changé la donne, en associant les forces maliennes avec les groupes rebelles touaregs et arabes dans un combat contre les djihadistes. Mais ces derniers continuent à semer la terreur dans les villes et villages du Sahel.

La CVJR a déjà recueilli plus de 8000 témoignages, et elle continuera à entendre les victimes tant que le conflit ne se sera pas apaisé, assure M. Sidibé. Il se dit aussi inspiré par la politique canadienne de diversité.

« La présence et l’image des Touaregs dans les médias publics se sont déjà améliorées, et nous pensons à la création d’un Sénat pour mieux représenter les diversités », confie Ousmane Sidibé.

En attendant, le Mali attend impatiemment l’arrivée des Casques bleus canadiens qui prendront la relève du contingent allemand au sein de la Mission multidisciplinaire intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Ottawa a annoncé sa participation en mars. On s’attend à ce qu’il déploie environ 250 militaires, et 6 hélicoptères, pour appuyer les forces internationales dans cette mission considérée comme l’opération internationale la plus périlleuse de l’heure. Plus de 160 soldats y ont perdu la vie en cinq ans.

Une mission moins périlleuse

Cela dit, le danger s’est amenuisé ces derniers temps, assure Ousmane Sidibé. « Les forces internationales ont pu tirer des leçons et la mission est beaucoup moins dangereuse qu’à ses débuts », assure-t-il.

Au départ des troupes allemandes, la MINUSMA se retrouvera en manque de moyens logistiques. « Elle a un grand besoin d’hélicoptères », signale Ousmane Sidibé.

Le Mali compte aussi sur la présence de nombreuses femmes au sein du contingent canadien, puisqu’au Mali, « les femmes ont joué un rôle très important dans les accords de paix, en jouant les intermédiaires avec les groupes armés ».

Pour Pascal Paradis, directeur général d’Avocats sans frontières, organisation qui soutient la CVJR au Mali, l’appui canadien tant militaire qu’en matière de développement et de justice s’inscrit dans une mission plus générale « visant à stabiliser une région qui est dans une situation trouble », pour le bien commun de la planète.

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