OPINION

Discrimination à l’embauchE Les personnes avec un handicap physique défavorisées

Le Québec bénéficie d’un contexte économique favorable et on voit plusieurs efforts se mettre en place par nos dirigeants pour suppléer à la pénurie de main-d’œuvre, surtout en région.

Dans ce contexte, il faudrait s’attendre à ce que l’intégration des personnes avec un handicap dans le milieu du travail soit au rendez-vous. Plusieurs programmes publics issus de la stratégie nationale prévue pour faciliter l’intégration des personnes avec un handicap au travail devraient porter leurs fruits, mais l’attitude discriminatoire des employeurs semble limiter l’impact de ces programmes.

Une récente étude québécoise (projet de recherche Disability, Employment, and Public Policies Initiative [DEPPI], Université Laval) s’est penchée sur la discrimination à l’embauche rencontrée par les personnes ayant des limitations physiques. Les chercheurs ont envoyé des candidatures fictives à plus de 1500 réelles offres d’emploi de la région de Québec et de Montréal (postes de secrétaires, réceptionnistes, commis-comptables et programmeurs).

Pour la moitié des candidatures, la lettre de présentation indiquait que la personne se déplaçait en fauteuil roulant à la suite d’un accident, tandis que l’autre moitié n’en faisait pas mention. Les résultats sont préoccupants. Seulement 15 % des candidatures mentionnant le handicap étaient retenues pour une entrevue, alors que le taux de rappel était de 32 % pour une candidature sans mention d’un handicap.

Mentionner un handicap physique réduisait donc de moitié vos chances d’être convoqué en entrevue pour un emploi. Cela indique une très forte discrimination envers les personnes ayant des déficiences physiques de la part des employeurs.

Le fait de mentionner, dans la lettre de présentation, une admissibilité à des subventions pour l’employeur ne venait pas améliorer les chances de succès, suggérant que les programmes de soutien ont peu d’effet sur cette attitude discriminatoire.

L’équipe de recherche conclut que « la discrimination constitue une barrière immense qui limite grandement la portée de certaines politiques publiques mises en place pour faciliter l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées, puisqu’elles ne sont même pas convoquées à un entretien d’embauche ».

Les chercheurs mentionnent qu’il s’agit très certainement de la borne inférieure de la discrimination et que des écarts beaucoup plus importants seraient à prévoir pour d’autres types de handicaps. Mon expérience personnelle comme père d’un enfant avec un handicap appuie cette opinion. Bien qu’aphasique de naissance, mon fils Julien a réussi avec beaucoup d’efforts et d’aide de la part d’intervenants scolaires à obtenir son diplôme d’études collégiales en sciences pures et aussi celui en techniques d’aérospatiale. Depuis, il multiplie les demandes et les entrevues d’emploi, mais toujours sans succès. Comme l’avait observé l’étude de DEPPI, les réponses demeurent négatives, que ce soit de la part des grandes entreprises comme Bombardier et Pratt et Whitney ou de la part de petites entreprises, et ce, bien que l’aérospatiale soit un domaine effervescent pour l’emploi.

Le Québec apporte beaucoup d’aide à la réussite scolaire des enfants et des adolescents avec des déficiences physiques ou mentales. En fin de compte, à l’âge adulte, l’accès au travail est un des facteurs les plus importants pour l’intégration sociale de ces personnes avec un handicap. Les attitudes discriminatoires de la part des employeurs auprès des personnes avec un handicap limitent la finalité de ces efforts.

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