Montréal, ville participative ?

Entre rêve et réalité

Montréal entre dans une nouvelle ère, dit-on. Les slogans fusent : Montréal vert ! Montréal intelligent ! Montréal mobile ! Montréal citoyen ! Montréal pluraliste ! Qu’en est-il vraiment ? Nos collaborateurs s’interrogent sur l’écart plus ou moins grand qui existe entre les discours et la réalité. Aujourd’hui : Montréal, ville participative ?

À l’heure où Montréal se targue d’être une ville créative, intelligente, durable et inclusive, qu’en est-il de la démocratie et la participation citoyenne en 2018 ?

Précisons d’emblée qu’il existe un véritable « écosystème » d’instances et de dispositifs participatifs à Montréal, écosystème qui s’est progressivement construit depuis les années 80. Pensons seulement à la période de questions à l’hôtel de ville (1986), au poste d’ombudsman (2002), à l’Office de consultation publique de Montréal (2002), à la Charte montréalaise des droits et responsabilités (2005), au droit d’initiative (2009) ou à la webdiffusion des assemblées du conseil municipal (2010).

Si l’on ajoute les 11 commissions permanentes de la Ville, le Conseil jeunesse, le Conseil interculturel et le Conseil des Montréalaises, les 30 tables de quartier regroupant les acteurs du milieu communautaire, les innombrables comités citoyens, ainsi que les multiples initiatives de « participation informelle » (frigos communautaires, dumpster diving, urbanisme tactique…), un constat simple s’impose : malgré le grand nombre d’espaces de participation, il semble manquer une vision d’ensemble qui permettrait de nous orienter parmi ce fatras d’outils participatifs.

Un manque de cohésion et de clarté

Comme le note un rapport de l’Institut de politiques alternatives à Montréal publié en juin 2018 : « Le problème est que ce grand nombre de mécanismes semble constituer une scène éclatée de processus diversifiés entraînant un désordre dans lequel le citoyen – et parfois même l’expert – a de la difficulté à se retrouver. Le citoyen se repère difficilement dans ce paysage complexe et le plus souvent peine à comprendre quels sont les outils appropriés, les échelles de leur influence et l’ampleur de leur impact. »1 À ce manque de cohérence et d’intégration s’ajoute un manque de clarté sur les objectifs et le degré de pouvoir des mécanismes de participation : servent-ils à exprimer des demandes de bas en haut, à consulter des citoyens sur des projets particuliers, à favoriser le lien social, à décider directement par vote ou référendum, à formuler des plaintes auprès des élus ?

À cela s’ajoute encore la complexité de la gouvernance de l’espace montréalais, écartelé entre ses 19 arrondissements, la ville-centre et la Communauté métropolitaine de Montréal, en plus du manque d’information sur les dispositifs existants et l’absence d’un programme d’éducation civique qui pourrait donner un éclairage cohérent sur les lieux d’engagement citoyen.

Par ailleurs, il n’existe pas d’observatoire indépendant sur la démocratie (le Chantier sur la démocratie créé en 2006 fut aboli par Denis Coderre en 2013), ni de répertoire centralisé des mécanismes de participation, ni de données publiques accessibles sur le niveau participation ou de représentativité des participant(e)s au sein de ces nombreux espaces. Comment assurer un suivi, évaluer la qualité de la participation et mieux coordonner ces diverses instances, alors que l’information n’est même pas disponible ?

Vers un renouvellement ?

Heureusement, la nouvelle administration Plante pourrait contribuer au renouvellement du « modèle montréalais » au cours des prochaines années. La conseillère municipale Laurence Lavigne Lalonde, responsable de la transparence, de la démocratie, de la gouvernance et de la vie citoyenne, a récemment exprimé la volonté de réviser la politique de consultation publique à Montréal. Une des premières étapes de cette démarche de réactualisation serait de faire une recension exhaustive des mécanismes participatifs existants, et d’intégrer les sources d’information dispersées au sein d’un même portail en ligne.

Montréal pourrait s’inspirer de la récente démarche de la ville de Strasbourg, en France, qui a mis en place un Sommet citoyen du printemps 2017 au printemps 2018. Ce large processus d’intelligence collective a permis de faire un état des lieux, de clarifier les lacunes des outils existants, de proposer de nouveaux mécanismes de participation, et de consolider le tout à travers un Pacte de la démocratie locale adopté par le conseil municipal en avril 20182. Ce pacte, en plus de représenter un engagement mutuel entre citoyens, élus et fonctionnaires de la Ville, oblige chaque démarche de participation à préciser ses objectifs en amont : information, consultation, concertation ou co-construction. Il reconnaît un « droit d’accès au numérique », ajoute des pétitions citoyennes, ainsi qu’un budget participatif à la palette des dispositifs démocratiques. Somme toute, en comparant le « modèle montréalais » de participation publique aux autres grandes villes à travers le monde, nous pouvons affirmer que nous ne sommes pas des cancres, mais que nous sommes encore loin d’être une véritable « ville participative ».

Entendre les voix du changement

Certes, le maire de l’arrondissement d’Hochelaga-Maisonneuve Pierre Lessard-Blais a récemment annoncé un projet-pilote de budget participatif de 350 000 $ dans le quartier Mercier-Ouest en 2019, ce qui est un pas dans la bonne direction. Mais il faut aller plus loin.

Si la Ville mettait en place un grand sommet citoyen, et décidait d’utiliser la plateforme open source de démocratie numérique Decidim créée par la Ville de Barcelone et utilisée par une quarantaine de villes dans le monde, Montréal pourrait peut-être redevenir un modèle de participation citoyenne en Amérique du Nord.

C’est, du moins, ce que de plus en plus de voix réclament. Seront-elles entendues ?

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