Opinion : Demandeurs d'asile

Pourquoi abandonner nos « anges gardiens » ?

Vendredi dernier, suivant une longue négociation entre Québec et Ottawa, ainsi que plusieurs semaines d’appréhension, nous avons finalement assisté au dévoilement du programme tant attendu de régularisation du statut de ceux que nous avions affectueusement baptisé nos « anges gardiens ».

Or, ce qui devait être un programme généreux et proportionnel aux risques et sacrifices encourus par nos travailleurs essentiels ces derniers mois a plutôt pris la forme d’une entente édulcorée arrachée à la volée par le fédéral face à un refus persistant du gouvernement Legault d’y accorder son feu vert, et ce, contrairement à tous ses homologues provinciaux. Cette insistance et la décision du gouvernement du Québec de mettre tout son poids politique afin de restreindre un programme temporaire visant nos travailleurs essentiels ne peut nous laisser indifférents.

Nous avons traversé cette première vague de la pandémie tous ensemble alors que la maladie n’a épargné personne, quel que soit le statut ou l’origine. Collectivement, alors que tous étaient à risque de contracter la COVID-19 et d’en subir de graves conséquences, nous savons maintenant que c’est notamment grâce au dévouement de centaines de travailleurs, incluant de nombreux demandeurs d’asile, que notre système de santé ne s’est pas effondré au printemps dernier.

Fort heureusement, nombreux sont les préposés aux bénéficiaires, infirmières auxiliaires et autres dispensateurs de soins qui seront admissibles à ce nouveau programme et pourront demeurer parmi nous, mais une grande part de nos travailleurs essentiels est laissée en plan.

Il nous apparaît, respectueusement, que cette position doit être revue, et ce, au nom de notre intérêt collectif.

En effet, notre système de santé, notamment nos CHSLD, fonctionne grâce à l’apport de plusieurs acteurs et nous pensons rapidement au travail des agents de sécurité ou des préposés à l’entretien, sans qui le travail de ceux qui prodiguent des soins ne serait pas possible. Ces agents de sécurité, par exemple, ont joué un rôle essentiel durant cette crise, en assurant le contrôle de l’entrée du personnel et des visiteurs, la tenue des registres et le respect des règles de sécurité publique, permettant un environnement sécuritaire aux travailleurs essentiels, à nos aînés et à l’ensemble de la population. Les préposés à l’entretien, eux, dans nos hôpitaux, mais aussi ailleurs, se sont assurés d’une propreté absolue de nos installations. Ces travailleurs essentiels ont, eux aussi, pris de grands risques en enchaînant les quarts de travail dans cette guerre de tranchées contre le virus.

Ainsi, c’est le fait que nous laissions aujourd’hui ces familles derrière qui justifie notre prise de position, puisque pour une grande partie de ces travailleurs essentiels, l’inaccessibilité à ce programme risquera de les condamner à l’expulsion du pays malgré une contribution inestimable à notre société, ainsi que nos criants besoins. Or, devant les risques d’un retour en force du virus dans les prochains mois, il nous apparaît illogique de ne pas plutôt tout mettre en œuvre pour les garder en emploi. Face à ce refus et à cette volonté de les exclure, il ne nous resterait plus qu’une seule question. Pourquoi ?

* Signataires : Yann Hairaud, coprésident de la Table de concentration des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) ; Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti ; Frantz André, fondateur du Comité d’action des personnes sans statut ; Gaétan Barrette, député libéral et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’immigration, député de La Pinière ; Paule Robitaille, député libérale de Bourassa-Sauvé ; Frantz Benjamin, député libéral de Viau ; Andrés Fontecilla, député solidaire et porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’immigration, député de Laurier-Dorion ; Ruba Ghazal, députée solidaire de Mercier ; Alexandre Leduc, député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve ; Catherine Fournier, députée indépendante de Marie-Victorin ; Fabrice Vil, avocat et entrepreneur-social ; Ismaël Boudissa, président-fondateur de l’Alliance pour une solidarité envers les étudiants et travailleurs internationaux du Québec ; Wilner Cayo, président de Debout pour la dignité

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