Port du masque et problèmes cutanés 

Que faire pour éviter le « mascné » ?

Le phénomène est scientifiquement documenté : le port du masque prolongé n’est pas la panacée pour les pores de la peau, pouvant provoquer des effets secondaires cutanés, allant de la simple démangeaison à des poussées d’acné ou d’eczéma. Et ceux non prédisposés aux problèmes de peau sont aussi concernés. Que faire pour atténuer les effets du « mascné » ?

Coiffeuse depuis 11 ans, Annie Sasseville n’a jamais eu de problèmes de peau, « pas même à l’adolescence », précise-t-elle. Mais depuis qu’elle a repris du service le printemps dernier, contrainte de porter un masque entre 10 et 12 heures par jour en quasi-continuité, son visage lui fait savoir qu’il n’apprécie guère ce confinement : irritation sur l’arête du nez, vagues de boutons, apparition de points noirs. « Je n’ai jamais eu la peau grasse, mais depuis que je travaille avec un masque, j’ai tout le bas du visage huileux comme de la graisse de patates frites », constate-t-elle. Enchaînant les clients qu’elle reçoit au salon Zotik Coiffure, à Montréal, elle n’a en revanche que peu d’occasions de le retirer ; le temps de brèves pauses pour s’hydrater ou manger un morceau.

Pour y remédier, elle recourt à un désincrustant, en plus des produits de soins haut de gamme qu’elle utilise habituellement. Elle songe également à prendre rendez-vous chez son esthéticienne pour une séance d’exfoliation. « Le masque me cause des boutons, mais vu que je porte un masque, ça ne paraît pas ! », plaisante tout de même la coiffeuse.

Son cas est loin d’être isolé. De nombreux travailleurs, amenés à enfiler un couvre-visage à longueur de journée, développent des problèmes de peau, même s’ils n’y sont pas prédisposés. Un mot-valise a même été forgé pour décrire le phénomène : le « mascné » ; combinaison de « masque » et d’« acné ».

« C’est une véritable pandémie de problèmes de peau liés au port du masque ! », lance le docteur Joseph Doumit, dermatologue à la clinique Union MD de Montréal, qui dit observer une augmentation marquée des consultations pour ce motif. Son confrère Joël Claveau constate la même chose au CHU de Québec, et précise que de nombreux articles scientifiques rapportent ces effets secondaires : démangeaisons, acné, dermatite, rosacée, etc.

« Lorsqu’on porte le masque, une sorte de microclimat chaud se développe dans la zone couverte, avec une prolifération de microbes et de bactéries, ce qui peut provoquer des symptômes, des rougeurs ou des éruptions cutanées, explique le DDoumit. Quand la peau n’est pas bien oxygénée, il y a un excès de production de sébum, ce qui mène à l’obstruction des pores de peau et des boutons. »

Un masque adapté

Selon les dermatologues, tout commence par le bon choix du couvre-visage : il devrait être 100 % coton et lavé quotidiennement, ou de type chirurgical et changé régulièrement. L’Institut national de santé publique du Québec recommande d’ailleurs de le remplacer dès qu’il est humide ou souillé. Aussi, un bon ajustement est nécessaire pour atténuer la friction, potentielle cause d’irritation ou de dermatite.

Le DClaveau souligne en outre que « les masques N95, encore plus occlusifs, provoquent plus d’effets secondaires » et devraient ainsi être évités par les travailleurs hors du domaine médical.

Quant à Joseph Doumit, il exhorte les Québécois à ôter le masque dès qu’il n’est plus nécessaire pour laisser la peau respirer. « Le gros problème, c’est que les gens le portent par exemple dans la voiture ou à la maison et ne laissent pas le temps à la peau de s’oxygéner », relève-t-il.

Proactif pour sa peau

Le dermatologue d’Union MD recommande de bien se laver le visage matin et soir avec un nettoyant doux, puis d’hydrater la peau avec une crème hypoallergénique qui contiendrait idéalement un écran solaire avec un indice FPS d’au moins 30. « Je vois souvent en clinique des patients avec une ligne de démarcation de bronzage aux alentours du masque », rapporte-t-il. Des gels d’exfoliation peuvent aussi aider.

Le DClaveau précise qu’il penche plutôt pour des lotions ou des fluides hydratants non parfumés, moins gras que les crèmes, vendus en pharmacie. Aussi, la proactivité est de mise pour ceux qui ont déjà des démêlés avec leur peau : « N’attendez pas que ça s’aggrave avec le port de masque et soyez proactifs pour traiter », prévient le dermatologue du CHU de Québec, soulignant qu’un médecin généraliste pourrait être consulté pour ces cas.

Sauver sa peau

Si les dégâts sont déjà là, le DDoumit préconise, en cas de boutons, un traitement classique au peroxyde de benzoyle, et en cas d’irritation ou d’eczéma, une crème anti-inflammatoire. Le succès de ces interventions sera facilité par une bonne hydratation préventive, mais, si les choses s’aggravent, la consultation d’un médecin devrait s’imposer pour un traitement plus musclé. « On est pris pour un bon bout de temps avec ces masques, alors il faut prendre de bonnes habitudes », rappelle-t-il.

Barbe et maquillage

Continuer à se maquiller, une bonne idée ? L’application du fond de teint n’est certes pas l’idéal pour laisser respirer une peau qui a déjà du mal à s’oxygéner sous un masque, mais pour celles et ceux qui le voudraient, le DDoumit prescrit avec insistance un maquillage non comédogène.

Enfin, pour les hommes, une pousse de barbe peut-elle faire office de barrière ? Joël Claveau est sceptique. « Je n’ai pas vu de données scientifiques à ce sujet. Même si ça va éviter le contact direct avec la peau, si on a tendance à faire de l’acné ou de la rosacée, on en fera quand même », table-t-il.

Conclusion : un masque adapté, des soins préventifs et des produits appropriés resteront donc la clé pour esquiver cet irritant « mascné ».

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